DISQUES

Three sides of a coin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ROMAIN VUILLEMIN
 

    Nouvel album

Three Sides of a Coin


     Swing manouche et musette irriguent l’album Three Sides of a Coin concocté par Romain Vuillemin (guitare solo) avec les contributions de Guillaume Singer (violon), Julien Cattiaux (guitare rythmique), Edouard Pennes (contrebasse) et Pierre Cussac (accordéon) en invité. Les tempos rapides occupent majoritairement le terrain dans ce CD dont l’âme conductrice est faite de références et d’expressions musicales nées à une autre époque, comme on dit, mais qui de par leurs qualités sûres et indiscutables resteront pérennes à tout jamais.
Ainsi, dès la première plage, le violon prend les devants dans Margie (chanson de 1920 lancée par l’Original Dixieland Jazz Band) en prélude aux incursions échauffées des solos de guitare. Avec cette allure effrénée, Margie fait dire qu’il appartient à ces morceaux qui redonnent un coup de fouet et qui rendent le sourire. De son coté, My Sweet redouble également d’énergie. Ponctuations percussives du guitariste Romain Vuillemin associées à une découpe rythmique empressée. Le violon tenu par Guillaume Singer se débride joyeusement sans plus de tempérance avant de s’effacer un temps devant la guitare et finir en beauté.
    Dans le lot des innombrables mélodies écrites par Irving Berlin (1888-1989), Let's Face the Music and Dance — avec peut-être Blue Skies, What’ll I Do, Puttin' On The Ritz et bien sûr Cheek to Cheek figurent parmi plus connues, les plus belles. Le pouvoir enchanteur dont est porteur Let's Face n’a pas échappé aux participants de l’album qui en tirent un bon parti. Un cœur battant et gypsy palpite, pour sa part, dans Russian Lullaby, autre composition moins réputée d’Irving Berlin. De l’introduction à la fin du morceau, le violoniste est dans son élément et reste « bohemian » jusqu’au bout des cordes. On approuve aussi les solos de guitare et de contrebasse sans ballotter.
   
Les airs qui vont bon train ne tarissent pas. Sur son trente-et-un, Fine and Dandy, l’épatant standard de Key Swift, fait l’objet d’un swing endiablé. Chez Jacquet, particulièrement bien réglé, tourbillonne sous les doigts d’un Romain Vuillemin à son affaire. Tiger Rag se montre espiègle et plus enragé que jamais. L’engouement pour le populaire Sweet Sue reste toujours — et à juste titre — très vivace, notamment chez les aficionados de jazz manouche. Selon le prisme adopté ici, on le retrouve par moments comme en « absurdie », comme pris d’une extravagance qu’il aurait du mal à surmonter.
   
En poursuivant l’exploration du CD, un grand plaisir s’éveille à l’écoute de Légende Parisienne. Secondé par une rythmique souple, attentive, impeccable, l’accordéoniste Pierre Cussac fait preuve sur cette valse d’une pureté, d’une droiture, d’une fluidité de jeu, d’une expressivité rayonnante. Un bref chorus à la guitare, sobre, convaincu, orne en outre magnifiquement ce titre. Avec Sérénade Parisienne sont mis à l’honneur les compositeurs Émile Carrara et Gus Viseur (ah ! Gus Viseur !... Comment ne pas être toqué de sa Flambée Montalbanaise… et aussi de sa facture jazz swinguante si chaleureuse, si personnelle, qui n’appartenait qu’à lui!?...). Il est vraiment bon de profiter de cette Sérénade tendrement valsée par le groupe Vuillemin toujours sous le lead d’un Pierre Cussac en soliste lumineux, saillant, impressionnant.
    Lorsque que l’on entend de tels agréments sonores, on en redemande. Eh bien justement, un prolongement leur est donné avec Esperame en el Cielo ! La version de cette rumba conduite par le même Pierre Cussac à l'accordéon est renversante ; le mot n’est pas trop fort. En l’occurrence, un feeling inspiré paraît avoir touché tous les musiciens exécutants. Cohérence subtile, harmonieuse, profondeur, sentiment… une symbiose évidente perce dans le jeu d’ensemble : chaud et plaisant contretemps, ascendant remarquable de l’accordéon donc, qualité des démarquages et solo du violon, chorus idéal du guitariste soliste.

    Les ballades ne sont pas oubliées dans Three Sides of a Coin. Si on ne comprend pas forcément l’injonction contenue dans le titre du morceau Lentement Mademoiselle, aucune difficulté en revanche à en percevoir la vertu mélodique et la teneur sentimentale toutes deux exprimées musicalement avec beaucoup de respect, d’attention. Citons encore la romance Le Soir qui, après que le violon se soit vu confier le soin d’installer une atmosphère langoureuse, s’enfièvre à mi-parcours via l’intervention d’une guitare qui imprime une volonté revigorante.

                                                                                                   Didier Robrieux

DR/© D. Robrieux
 [Janvier 2023]