DISQUES
JEAN-PHILIPPE O'NEILL
QUARTET
Un album
chez Black & Blue
Ce qui séduit au premier chef dans le CD Willie'O du Jean-Philippe O'Neill Quartet, c'est l'absence de clinquant. Simplicité, douceur, intériorité prédominent. Avec une filiation plutôt hard bop, Jean-Philippe O'Neill (batteur et leader) associé à Ronald Baker (trompette), Philippe Petit (piano) et Peter Giron (contrebasse) présentent un jazz acoustique cadré, fin, chaleureux.
C'est le trompettiste Ronald Baker qui éclaire l'album en soliste; son rôle reste prépondérant sur la majorité des titres proposés. Qui ne connait pas ce musicien découvre sa marque : un son rond, presque feutré, rien d'anguleux dans le phrasé, rien de criard dans les accents. Il s'illustre notamment avec Willie'O, composition qui surplombe l'enregistrement. Ce morceau est par ailleurs traversé par un chorus notable au piano de Philippe Petit (au fil de l'écoute du CD, on réalise très vite, à vrai dire, que toutes les parties jouées par ce pianiste — également réputé pour ses prestations à l'orgue — sont du nanan).
En marge de ses exécutions à la trompette, Ronald Baker chante et scate également avec talent (The Stalker, parsemé d'envolées swing; You Make Me Feel So Crazy, courtes fresques de vague à l'âme interprétées du fond du cœur sur un tempo alangui). D'autres ballades alternent (Billy Hart, Studio 16). Profondeur, sincérité romantique, petites brises d'arpèges rafraichissants au piano, batterie dépouillée (Jean-Philippe O'Neill comme à son habitude tout à son affaire sans faire preuve de surenchère inutile ou malséante). Sous les doigts de Peter Giron, l'âme de la contrebasse s'exprime quant à elle de façon épanouie et humble là encore (Brook entre autres).
Dans un registre différent, Latina, avec sa frénésie de carnaval, donne envie de danser. Une structure "samba" assortie d'un "pont" swing, une intro au piano et un intermède cubano-tropical piano-percussions méritant d'être salués. Latina est un air que l'on retient et que l'on a plaisir à chantonner. Parmi les morceaux rythmés, on citera aussi Be bop à Lulu qui ne renie pas son intitulé : tempo vif, armature un poil bousculée, trompette à la mode Dizzy.
L'album Willie'O façonne une atmosphère où l'on retrouve les bonnes saveurs du jazz. Sous son aspect général, il gagne sans doute à être écouté à la nuit noire, les yeux fermés, le corps tranquille, l'esprit prêt à la rêverie.
Didier Robrieux
[ 2017 ]
DR/© D. Robrieux